Sarah Moon
Sarah Moon travaillera souvent le grain et l’esthétique générale de ses photographies, formant une référence constante, en filigrane, aux origines et procédés de la photographie. Dans son travail pour la mode, elle a su montrer les femmes sous un angle particulier du fait de sa relation avec les modèles dont elle a partagé l’univers lors de ses jeunes années. Après quinze ans de travail dans la mode et des commandes pour de nombreuses grandes marques telles que le magazine Vogue et les Maisons de couture Chanel et Dior, elle décide de faire prendre à sa carrière photographique un tournant plus personnel, introspectif et purement artistique.

Sarah Moon © Sarah Moon
Sarah Moon, de son véritable nom Marielle Sarah Warin, est née en 1941 à Vernon dans l’Eure. Cette femme polyvalente, à la fois mannequin et photographe est aujourd’hui âgée de 80 ans. Marielle Warin naît dans une famille juive, et est contrainte de quitter la France occupée à cette période, pour rejoindre l'Angleterre. Elle exerce tout d’abord la profession de mannequin de 1960 à 1966 sous le nom de Marielle Hadengue, puis se tourne vers le domaine de la photographie à partir de 1970, après avoir publié, en 1967 ses premiers clichés dans le magazine l'Express, adoptant le Polaroïd noir et blanc avec négatif comme support d’expression. Elle dira que l'œuvre de Guy Bourdin était le déclic qui lui donna envie de se diriger vers la mode. Elle devient célèbre à partir de sa campagne de publicité pour Cacharel. Les regards et les attitudes qu’elle capture dans le monde de la mode laissent apparaître dans ses clichés une certaine complicité. Après son travail dans la mode, elle se lance dans la photographie purement artistique, en sort alors des autoportraits et photographies pop, aux allures d’aquarelles, mais aussi des photographies plus sombres et tortueuses aux allures de films d’horreurs et cauchemars d'enfance, privilégiant d’abords le noir et blanc pour ensuite se tourner occasionnellement vers la couleur. Elle dira que « la photo, c’est quand même le dernier instant, le dernier regard », comme une mort métaphorique ou un point final d’une phrase inachevée qu’est l’instant. Pour elle, sa photographie « est une réaction », elle « ne cherche pas à dire, mais cherche à voir ». Robert Delpire a dit de sa photographie qu’elle tend à « déréaliser » tout ce qu’elle prend, expliquant son travail instinctif, vif, profondément poétique, voulant dépeindre la réalité tout en s’en détachant.

Ses travaux de début dans la mode sont remplis d’illusion, de séduction, de rêve, faisant transparaître son désir de fiction dès ses débuts. Ce regard particulier explique tout son travail photographique empreint de fiction et de merveilleux. Elle a d’ailleurs un intérêt particulier pour les contes ; elle réalisera une série d’illustrations photographiques du conte du Petit Chaperon rouge. Cette série sera publiée dans un livre en 1983, accompagnée du texte originel de Charles Perrault. Son film La Sirène d’Auderville (2007) révèlera également son intérêt pour les contes d’Andersen. On peut aussi reconnaître son goût pour le cinéma des années trente, particulièrement pour le cinéma expressionniste Allemand dans ses photographies. Les thèmes récurrents dans l'œuvre de Sarah Moon sont le souvenir, la mort, l’enfance, la féminité et la solitude. En effet, le processus de développement (effectué par Patrick Toussaint tout au long de sa carrière) joue un rôle capital dans l’œuvre de Sarah Moon ; une grande partie de ses polaroids sont marqués par des dégradations. Ces procédés de dégradation de l’image évoquent le temps, sa décomposition, l’avancée inexorable vers la destruction, la mort. Elle s’amusera également des flous dont deux techniques apparaissant récurrentes dans son œuvre ; des flous dus au mouvement du sujet et à un long temps de pose et des flous orchestrés par des expositions répétées d’une même image légèrement décalée à chaque fois. Les contours flous de ses photographies couleurs l'éloignent de la photographie conventionnelle, précise, et la rapprochent plus de la peinture. En 1979, elle remportera le Lion d’or de Cannes pour un film publicitaire réalisé pour Cacharel. Elle remportera deux autres Lion d’or durant deux années consécutives, en 1986 et en 1987. En 2006, elle gagnera un Lucie Award. Elle sera commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres en 2009. En 2020, elle codirige avec Odile Pütz et Clara Bouveresse un triple volume consacré aux femmes photographes dans la collection Photo Poche fondée par son mari, Robert Delpire ; elle figure d'ailleurs dans cette anthologie qui regroupe 190 artistes au total.
Le Pavot, 1997 © Sarah Moon.
Surréalistes, sombres ou poétiques. Les couleurs sont profondes, et quand elles ne sont pas là, leur absence rend le panorama grave, malsain. Le flou nous fait perdre les pédales, comme si nous étions réellement déstabiliser par un étourdissement.

Pour Yohji Yamamoto, 1996
© Sarah Moon.

« Le Cri », 2003 © Sarah Moon.

Mode, chapeau, vers 1996 © Sarah Moon.